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Depuis dix jours, la Convergence Patriotique Panafricaine (CPP), le parti créé par l’ancien Premier Ministre togolais Edem Kodjo semble secoué par une grave crise interne dont le dernier épisode en date s’est soldé par la destitution du Bureau Exécutif national mis en place le 7 décembre 2019 à l’issue d’un Congrès ordinaire qui s’était déroulé apparemment sans histoire. Que s’est-il passé depuis lors et qui explique les déchirures auxquelles on assiste depuis plus d’une semaine ?
Pour bien comprendre le présent de la CPP, il convient nécessairement d’interroger son passé. Adrien Béliki Akouété, le nouveau Président du Bureau provisoire désigné par le Conseil national du 21 novembre 2020, rappelait vendredi dernier sur les ondes de Radio Victoire que la CPP est une fusion de quatre partis à savoir, l’UTD de Edem Kodjo, le PDU de Jean-Lucien Savi de Tové, l’UDS d’Antoine Folly et le PAD de Francis Ekon.
C’est la version officielle servie par Edem Kodjo jusqu’à sa mort et que continuent de servir ses héritiers politiques. La vérité semble tout autre d’après les informations recueillies dans l’histoire de ce parti.
A la création de la CPP, très peu de cadres du PDU ont suivi leur Président Savi de Tové dans cette aventure. La plupart des cadres et militants du PDU sont retournés à l’UFC de Gilchrist Olympio.
Quant à Antoine FOLLY, il s’était catégoriquement opposé à ce projet de fusion. Seulement cinq ou six cadres de l’UDS menés par Cornélius Aïdam, qui était à l’époque le bras droit d’Antoine Folly, s’étaient alliés avec Edem Kodjo pour fonder la CPP. Constatant que 95 % des cadres et militants de l’UDS désapprouvaient l’idée d’une fusion avec l’UTD, Cornelius Aïdam et sa bande avaient saisi la justice avec l’appui du régime RPT-UNIR pour obtenir la dissolution de l’UDS.
Face à une justice sous ordre, Antoine Folly avait alors décidé de ne pas faire appel à cette décision et d’organiser un Congrès une semaine après la dissolution de l’UDS, pour créer un nouveau parti dénommé UDS-TOGO, communément appelé UDS.
Du coup, dans l’esprit des militants et surtout de l’opinion, la dissolution de l’UDS prononcée par la justice est immédiatement tombée dans les oubliettes. Depuis sa création, la CPP a traîné comme un gros boulet aux pieds ce péché originel de s’être bâti sur des tentatives de destruction d’autres partis et d’avoir négligé le poids de la conviction politique.
Constituée d’individualités issues d’horizons politiques divers, la CPP a toujours été minée de l’intérieur par des rivalités d’intérêts entre les responsables des différentes composantes du conglomérat. C’est sans doute après avoir fait le constat de l’état de déliquescence avancée du parti, que Edem Kodjo avait décidé de prendre du recul tout en gardant un œil tantôt désabusé, tantôt amusé sur le parti.
Tant qu’il était en vie, Edem Kodjo pouvait encore user de son influence pour que les linges sales se lavent en famille.
De son vivant, l’ancien Premier ministre n’aurait permis que se produise le grand déballage auquel on assiste aujourd’hui.
Lorsque Edem Kodjo avait décidé de se retirer, un triumvirat avait été mis sur pied sous le contrôle de Cornelius Aidam devenu l’homme de confiance du Président-Fondateur, au grand des cadres UTD mais aussi des autres composantes.
Ce triumvirat n’ayant pas réussi ni à endiguer les rivalités internes ni à redorer l’image du parti, ce fût le tour de Francis Ekon de prendre les commandes de la CPP.
Francis Ekon est resté à la direction du parti jusqu’en octobre 2019 où, contraint par des problèmes de santé, il a décidé de passer la main.
Aujourd’hui, la plupart des cadres CPP qui avaient suivi Edem Kodjo dans les rouages du pouvoir depuis 2005, se sont assimilés au régime RPT-UNIR et ont été contraints de prendre du recul. Les fonctions de Conseiller spécialement occupé par Edem Kodjo auprès de Faure Gnassingbé, la longue présence au gouvernement RPT-UNIR de hauts cadres CPP tels que Octave Nicoué Broom, Arthème Ahumey-Zunu, etc … et l’appel de Francis Ekon à voter pour Faure Gnassingbé, ont fini par positionner le parti comme un parti satellite du parti au pouvoir.
Ce positionnement des dirigeants n’a pas été sans poser des problèmes vis-à-vis d’une base politique et électorale qui, dans sa très grande majorité, a continué à se situer dans l’opposition. Le vrai problème de la CPP aujourd’hui est donc un problème de repositionnement idéologique entre un régime RPT-UNIR qui a broyé tous ses cadres et une opposition démocratique qui aura beaucoup de mal à accepter de nouveau la CPP en son sein comme un partenaire de confiance.
C’est dans ce contexte qu’il s’est alors dégagé au sein du parti une quasi unanimité pour reconnaître en la personne d’Adrien Beliki Akoueté, le seul cadre capable de redorer le blason terni du parti et surtout de mettre fin aux rivalités internes ainsi que de ramener la CPP dans le giron des forces démocratiques. Adrien Béliki Akouete ne traîne contre lui aucune accointance avérée avec le régime RPT-UNIR.
A la tête de la première centrale syndicale du Togo, il a fait la preuve de ses grandes capacités de meneur d’hommes. Il a développé d’excellentes relations de travail et d’amitié avec la plupart des principaux responsables politiques de l’opposition.
C’est donc en toute logique que le Congrès extraordinaire du 26 octobre convoqué par Francis Ekon pour entériner sa décision de quitter la présidence du parti, que Adrien Béliki Akouete avait été porté à la tête d’une Coordination nationale chargée de diriger le parti pour trois mois et préparer le Congrès ordinaire d’où devait émerger le nouveau Bureau Exécutif national pour une période de 5 ans.
Le Congrès ordinaire a été effectivement convoqué le 7 décembre 2019 et ne devait être qu’une simple formalité pour porter Adrien Akoueté à la présidence de la CPP. C’était sans un handicap de dernière minute. En effet, Adrien Béliki venait d’être sollicité par une organisation syndicale internationale pour encadrer et accompagner une nouvelle équipe de dirigeants fraîchement mise en place. Cette charge étant contractuellement incompatible avec une responsabilité de chef de parti politique, Adrien Béliki avait alors proposé à son ami de longues dates, Monsieur Emmanuel Akolly, d’assurer la présidence du parti pour six mois, le temps qu’il se libère de ses obligations contractuelles.
Les délégués au Congrès ordinaire du 7 décembre s’étaient énergiquement opposés à la désignation de M. Akolly au poste de président national du parti. Il a fallu que M. Adrien Béliki Akoueté prenne solennellement deux engagements devant les délégués pour leur faire avaler la pilule de la désignation de M. Akolly.
Le premier engagement pris par Adrien Akoueté portait sur son retour effectif à la tête du parti dans le délai de six mois. Le deuxième engagement pris par Adrien Akoueté concerne l’obligation qui lui était faite d’accompagner M. Akolly dans l’exercice de sa charge de président.
C’est donc sur la foi de ces engagements que M. Adrien Béliki Akouete avait, dès là fin de son contrat, entamé des discussions avec M. Àkolly sur les modalités pratiques de son retour à la tête du parti.
Quelle ne fut la surprise de M. Akouete et de la plupart des autres membres du Bureau d’entendre le sieur Akolly répondre à Adrien Béliki Akouete qu’il a été élu pour cinq et n’entend pas quitter ses fonctions avant le terme des 5 ans statutaires. En prévision de ce genre de difficultés, les Congressistes avaient pris soin de bien mentionner dans le procès-verbal du Congrès du 7 décembre 2019 que la durée de vie du Bureau était de six mois.
En réalité, ce qui se joue à travers ce drame, au-delà des questions de personnes, d’honnêteté intellectuelle et de respect de la parole donnée, c’est la survie même à très court terme de la CPP en tant que parti politique sur l’échiquier national.
En presqu’une année de mandat, M. Akolly n’a nullement réussi à imprimer sa marque sur le parti, ni empêcher l’effondrement de l’image de la CPP dans le pays. Des voix commençaient à s’élever du sein du parti pour dire qu’à cette allure, si rien n’est fait, dans quelques mois, il ne resterait plus rien de la CPP. De toute évidence, il apparaît de plus en plus que M. Àkolly n’a ni la carrure, ni l’expérience politique, ni l’adhésion suffisante pour assumer la charge à lui confier par Adrien Akoueté .
La destitution du Bureau Akolly a certes, été brutale mais cette issue était devenue inéluctable pour sauver ce qui peut encore être sauvé. Le parti était pratiquement bloqué dans son fonctionnement au quotidien en raison des insuffisances de la gouvernance Akolly. Même les réunions mensuelles du Bureau n’avaient plus cours. Dans ce contexte, sauver la CPP de la mort cérébrale qui la guette, sera le vrai défi que doit relever Adrien Béliki Akoueté.
Carlos KETOHOU
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