Le 15 septembre dernier, une manifestation du Front républicain pour l’alternance et le changement (FRAC) appuyé par le Collectif Sauvons le Togo (CST) a tourné au vinaigre. Pendant que les manifestants du FRAC et du CST commençaient à se regrouper devant l’Eglise Baptiste de Doumasséssé qui était le point de départ de cette manifestation, des miliciens bien identifiés, armés de machettes, gourdins cloutés, haches et autres armes blanches se sont violemment pris aux manifestants et même aux passants. Il y a plusieurs personnes qui étaient grièvement blessés. A l’issue des événements malheureux et sans condamnation officielle, le ministre de la Sécurité a déclaré le 21 Septembre qu’une enquête était ouverte. Devant le piétinement des résultats de cette enquête, certaines organisations de défense des droits de l’homme exigent de Faure Gnassingbé, une enquête immédiate, efficace, exhaustive, indépendante et impartiale sur ces évènements.
Les troubles qui ont opposé des manifestants de l’opposition aux miliciens au quartier Doumasséssé communément appelé Adéwui n’ont pas laissé indifférentes les organisations de défense des droits de l’homme. Ces incidents ont aussi suscité l’inquiétude des chancelleries occidentales. Plusieurs missions ont été dépêchées dans le pays pour rencontrer et le parti au pouvoir et les forces politiques de l’opposition pour s’enquérir de la situation qui prévaut et appeler les uns et les autres à mettre de l’eau dans leur vin.
Dans la foulée, le ministre de la Sécurité et de la Protection civile, le Colonel Yark Damahame, a annoncé qu’une enquête est ouverte afin d’identifier les commanditaires et les auteurs des actes barbares qui ont eu lieu dans le quartier Doumasséssé le 15 Septembre 2012. Mais tout observateur avisé de la scène politique togolaise pourrait deviner facilement l’issue de cette enquête. La raison est toute simple. Au moment où les miliciens commettaient leurs ignominies en blessant aux oreilles, à la tête, à la poitrine etc. les militants du FRAC et CST, les forces de l’ordre censées assurer la sécurité des citoyens étaient présentes sur les lieux. Selon plusieurs témoins, ces agents de sécurité étaient complices des actes barbares et encourageaient même les miliciens qui opéraient à visage découvert.
Les photos et les noms de la plupart de ces miliciens sont publiés dans la presse et circulent encore sur le net. Si le ministre est sincère, il devrait déjà mettre la main sur au moins un de ces miliciens qui continuent de circuler librement sans être inquiétés.
Plusieurs personnes qui ont subi les affres de cette barbarie ont témoigné connaître leurs agresseurs et même leur domicile. Si les services de renseignements et d’investigation dont regorge le pays ne sont pas à même de repérer ces fauteurs de troubles, ils pourraient recourir aux blessés qui sont prêts à les aider pour traquer ceux-ci.
Si deux semaines après, rien de concret n’est fait en ce sens, c’est qu’il y a un manque de volonté réelle à aller au bout de cette enquête comme il est de coutume au Togo.
Surtout que plusieurs sources affirment que ces actes de barbarie ont été commandités par les caciques du régime au pouvoir, il est clair que cette enquête ne fera que piétiner dans le temps. Conscientes de cela et craignant des résultats biaisés, trois organisations de défense des droits de l’homme à savoir l’OMCT (Organisation mondiale contre la torture), le CACIT (Collectif des associations contre la torture) et l’ACAT-TOGO (Action des chrétiens pour l’abolition de la torture au Togo) montent au créneau pour exiger du Chef de l’Etat, une enquête indépendante et impartiale sur les événements du 15 septembre afin d’identifier les responsables, de les traduire devant un tribunal civil indépendant, compétent et impartial, et d’appliquer les sanctions pénales, civiles et/ou administratives prévues par la loi. Ces organisations ont adressé en effet une lettre à Faure Gnassingbé le 27 Septembre dernier.
Dans ce courrier, elles dénoncent l’inaction de la Police et de la Gendarmerie qui n’ont pas empêché les actes de violence à l’encontre des manifestants. L’ACAT-Togo, le CACIT et l’OMCT ont rappelé que le Togo est tenu, aux termes du droit international relatif aux droits de l’homme de garantir la sécurité et l’intégrité physique de tous les citoyens.
Enfin, l’ACAT-Togo, le CACIT et l’OMCT demandent au gouvernement togolais de respecter les libertés d’expression, d’association et de réunion pacifique, et de mettre en œuvre les recommandations formulées par le Comité des droits de l’homme de l’ONU en mars 2011 suite à l’examen du quatrième rapport périodique du Togo. Elles ont tenu à réitérer au Chef de l’Etat de tout faire afin que le crime ne se nourrisse plus de l’impunité.
Le gouvernement togolais et la problématique des enquêtes
Au Togo, généralement quand des actes répréhensibles sont commis, le gouvernement ouvre souvent des enquêtes. Et chaque fois, ces enquêtes ne se ferment pratiquement pas ou si elles doivent aboutir, ce sont des résultats douteux qui sont présentés à la population.
Le cas les plus patents sont ceux de l’historien et politologue Atsutsè Agbobli retrouvé mort à la plage non loin de l’hôtel Sarakawa le 15 Août 2008, des jeunes filles assassinées et amputées de leur sexe en cascade début d’année dans les banlieues Nord et Ouest de Lomé. Les agresseurs du journalistes Noel Tadégnon lors d’une manifestation du CST le 27 Avril dernier ne sont jamais inquiétés. On se souvient aussi du cas du confrère Gilles Gbagba agressé par les éléments du génie militaire devant le centre culturel français de Lomé en Juillet 2009. Les ministres de la Sécurité et de la Protection civile qui se sont succédés dans ce département se donnent la peine d’ouvrir des enquêtes mais ils sont très réticents à leur fermeture. Ce qui rend la population méfiante des enquêtes que ce département entend mener.
Vivement que l’enquête annoncée par le ministre Yark sur les événements de Doumasséssé aboutisse à des résultats concluants tels voulus par les organisations de défense des droits de l’homme, afin d’apaiser les cœurs meurtris et rassurer la population dans son ensemble.
Jean-Baptiste ATTISSO