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Affaire Cahuzac : scandale en France, fait divers au Togo

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L’affaire défraie actuellement la chronique en France. Elle fait la Une de tous les journaux et est à l’origine de vifs débats entre les acteurs politiques français. Il s’agit de l’ « affaire Jérôme Cahuzac », du nom de l’ex-ministre français du budget qui a rendu sa démission le 19 mars dernier après avoir reconnu être auteur de fraudes fiscales. Un ministre qui  fraude, ça ne pardonne pas au pays de François Hollande et peut même conduire à la démission de tout un gouvernement. Mais en Afrique, et plus précisément au Togo, les ministres et personnes influentes du pouvoir fraudent, volent, détournent et puisent dans les caisses de l’Etat sans se faire des soucis. Véritable contradiction.

Tollé général en République française. Depuis plus d’une semaine, une seule affaire nourrit tous les débats et toutes les discussions dans l’Héxagone, au point d’éclipser totalement l’importante visite effectuée par François Hollande au Maroc. Il s’agit de l’« affaire Cahuzac ».

Jérôme Cahuzac, c’est son nom, était ministre du Budget dans le gouvernement de Jean-Marc Ayrault (Premier ministre français) jusqu’au 19 mars dernier où il a rendu sa démission. A l’origine de ce coup de théâtre, des accusations de fraudes fiscales provenant du journal en ligne Mediapart en décembre 2012.

D’après les investigations opérées par ce journal, Jérôme Cahuzac possédait un compte à l’étranger notamment en Suisse. Un compte non déclaré. Ce qui constitue une faute grave et une violation de la loi fiscale française. Au début, l’ex-ministre du Budget avait nié ses accusations, menaçant même de porter plainte contre le journal en ligne susmentionné. Mais malheureusement pour lui, les enquêtes qui suivront vont bel et bien conduire sur des pistes de fraudes et de blanchiment de fraudes fiscales. Ce qui le contraint à démissionner le 19 mars mais ne l’empêche pas de continuer à nier le fait de posséder un compte à l’étranger publiquement et devant le parlement.

Après s’être rendu compte que les preuves devenaient de plus en plus évidentes et accablantes et que le mensonge ne servirait plus à grand-chose, Jérôme Cahuzac reconnaît le 2 avril 2013 l’existence d’un tel compte et annonce le rapatriement de 600.000 euros en France. Ainsi donc l’ex-ministre français du budget a fini par avouer avoir menti à l’Assemblée nationale, au président de la République, au parti socialiste et à tout le peuple français sur l’existence d’un compte bancaire en son nom en Suisse.

Pendant plusieurs mois, celui qui est supposé être le «chantre de la lutte contre l’évasion fiscale» a roulé tout le monde dans la farine. Pire, il a persisté dans le mensonge jusqu’à sa démission du gouvernement.

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Les réactions et condamnations seront à la hauteur des mensonges de Monsieur Cahuzac. Elles viendront aussi bien de son propre camp que du côté adverse. Pour le chef de l’Etat, François Hollande, « Jérôme Cahuzac a commis une impardonnable faute morale » en mentant pendant 4 mois au sujet de l’existence de ce compte. Même réaction du côté du premier ministre Jean-Marc Ayrault qui a estimé pour sa part que « M. Cahuzac a trahi la confiance de l’exécutif ». Mieux, il l’a sommé de ne plus exercer de responsabilité politique. Le N°1 du Parti Socialiste, Harlem Désir, s’est dit « stupéfait et choqué » par les faits « inacceptables » et « le mensonge » de M. Cahuzac.  Un communiqué rendu public par le premier Secrétaire général du PS, estime que les actes de Jérôme Cahuzac sont d’une extrême gravité et sont incompatibles avec les exigences de la vie politique et des mandats publics. « Et par ses mensonges intolérables vis-à-vis du président de la République, de la représentation nationale et des Français, Jérôme Cahuzac s’est exclu de fait du Parti Socialiste. Il n’en sera désormais plus membre », peut-on lire dans cette note.

A droite, les critiques sont plus virulentes. Pire, des voix s’élèvent pour demander des comptes au gouvernement et au président Hollande. Ainsi, l’ancien président  UMP de l’Assemblée nationale, Bernard Accoyer, a exigé des « excuses publiques » à Jérôme Cahuzac et considère en outre que « François Hollande doit également s’en expliquer devant les Français ». Pour Jean-François Copé, le président de l’UMP, le mensonge de Jérôme Cahuzac « signe définitivement la fin de la gauche morale et donneuse de leçons ». Et de se poser la question de savoir si l’exécutif et les membres du gouvernement étaient au courant et s’ils ont couvert les faits.

Le centriste François Bayrou juge pour sa part que les dégâts sont considérables et dévastateurs pour le monde politique français. Le Front national estime de son côté que le partage du pouvoir entre la gauche et la droite depuis plus de trente ans a conduit à tous les excès et à un sentiment d’impunité général inqualifiable. Tout en se disant « stupéfait et dégoûté », le co-président du Parti de Gauche Jean-Luc Mélenchon qualifie Jérôme Cahuzac de « salaud ».

Fraudes : scandale en France, sport favori au Togo

A chaque société ses habitudes et ses mœurs, dit-on souvent. De ce fait, ce qui constitue ou peut être considéré comme un scandale dans un pays, peut n’être qu’un simple fait divers sous d’autres cieux. Dans le cas précis de l’affaire Cahuzac, point n’est besoin d’être un génie pour savoir que si la même chose se produisait par exemple dans un pays comme le Togo, cela n’engendrerait pas le même tollé ni les mêmes conséquences.

Car, au pays de Faure Gnassingbé, on est habitué à gérer la cité avec complaisance et dans une impunité totale. Et si des ministres et directeurs de société sont toujours aux affaires en dépit de leur passé très sulfureux, ce n’est donc pas une simple fraude fiscale qui fera partir un membre du gouvernement. Le mot démission n’existant pas dans le vocabulaire du régime de Lomé.

Pour la petite histoire, quelques semaines seulement après sa prise de fonction, le ministre UFC en charge de la Communication, Djimon Oré, a détourné la somme de 8 millions de FCFA. Une somme qu’il a soutiré de l’aide de l’Etat à la presse. Il a fallu crier, dénoncer, mettre la pression et menacer d’une marche sur la Primature pour obliger Monsieur Oré à rembourser l’argent volé à la presse. On serait sous d’autres cieux que le ministre en question serait renvoyé du gouvernement pour faute grave et manque d’éthique. Mais nenni. Malgré ce vol qualifié, il sera reconduit au gouvernement Ahoomey-Zunu en toute impunité.

Plus grave encore est le cas de Messan Kossi Ewovor. Appelé à gérer et à mettre en œuvre le Programme national d’investissement agricole et de sécurité alimentaire (PNIASA) alors qu’il était ministre en charge de l’agriculture, il n’a fait qu’exécuter ce programme dans sa poche. Le pot aux roses a été découvert bien après sa non reconduction dans le gouvernement Ahoomey-Zunu à la suite d’une mission conjointe de supervision de la Banque Mondiale et du Fonds international de développement agricole (FIDA) venue évaluer le projet après  huit mois d’exercice. Malheureusement, la mission en est  arrivée à la conclusion que l’exécution du PNIASA n’est pas «concluante». Kossi Ewovor, l’homme au centre de la polémique, a-t-il été interpellé ? Non. Lui a-t-on demandé des comptes? Non plus. L’ancien ministre jouit de sa liberté et bouffe allégrement l’argent détourné.

L’ancien ministre de l’Economie et des Finances, Payadowa Boukpessi, aujourd’hui député à l’Assemblée nationale, et président de la commission des finances du parlement  avait été a plusieurs reprises auteur de malversations financières. Mais cela ne l’a pas empêché de revenir maintes fois au gouvernement avant d’atterrir au parlement. Idem pour Andjo Tchamdja, qui fut ministre des Travaux publics dans le dernier gouvernement Houngbo en dépit des détournements opérés sous Gnassingbé père.

Par ailleurs, au Togo, on est habitué à limoger les ministres sans en donner les raisons publiquement, alors que les règles de la bonne gouvernance voudraient le contraire. Les cas les plus récents sont ceux de Komlan Mally, bouté du gouvernement en 2011 sans aucune explication et Kokou Gozan chassé du ministère du Commerce et de la Promotion du secteur privé toujours en 2011 sans que les Togolais ne sachent jusqu’alors pourquoi ?

Et que dire du cas plus récent de l’ancien directeur de la Société des Postes du Togo, nommé ministres des Mines et de l’Energie en août  2012 alors que ce poste, très sensible, étant resté vacant. Malheureusement, il n’aura passé que six mois dans l’équipe gouvernementale. En janvier dernier, El Hadj Taïrou Bagbiégue a été relevé de ses fonctions. Le décret de son limogeage a été lu sur les écrans de la Télévision nationale. Pas d’explications non plus dans son cas.

Des ministres qui climatisent leur garage, des ténors du régime qui enterrent de l’argent liquide dans des puisards à la maison, des directeurs de sociétés d’Etats qui créent des sociétés écrans et qui se rendent coupables de malversations, voilà autant de scandales que vit le petit Togo et dont les auteurs méritent d’être punis de façon exemplaire.

Mais, surprise, l’on assiste plutôt à leur promotion et à leur nomination soit au gouvernement, soit à la tête d’autres sociétés.

L’existence des comptes bancaires à l’étranger, des paradis fiscaux, des biens mal acquis en immobiliers qui appartiennent à ces personnalités togolaises, des biens issus de la corruption et du détournement constituent des crimes économiques que non seulement la loi fondamentale pénalise mais aussi les normes que la bonne gouvernance n’autorise pas.

Comme quoi, chacun à sa manière de promouvoir la bonne gouvernance. Si en France et dans d’autres pays occidentaux, on choisit de sévir avec les ministres peu scrupuleux et très peu respectueux des règles de l’éthique et de la responsabilité, au Togo,  on  les encourage plutôt en les promouvant. De quoi encourager l’impunité économique.

Rodolph TOMEGAH

 

 

 

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