Koffi ESAW, l’ « opium » du peuple!
« La religion est l’opium du peuple », disait Karl Heinrich Marx, théoricien révolutionnaire socialiste et communiste allemand. Il est connu pour sa description des rouages du capitalisme, et pour son activité révolutionnaire au sein des organisations ouvrières en Europe. Pour cet homme célèbre qui s’est battu aux côtés de la classe prolétaire au 19ème siècle, la religion n’est pas une bonne chose pour les ouvriers. Et pour cause, en leur promettant un monde meilleur dans l’au-delà, elle les endort et les oblige à subir les pires injustices ici-bas. C’est justement cet « opium » qu’est en train de donner l’évangéliste-ministre Koffi Esaw au peuple togolais à travers ses croisades de prière et ses campagnes d’évangélisation. Ce collaborateur du chef de l’Etat et pur produit du régime se sert de Dieu, non pour répandre la bonne nouvelle, mais pour endormir le peuple et éviter qu’il ne se révolte contre le régime RPT/UNIR qui l’assujettit depuis des décennies.
Koffi Esaw est l’actuel conseiller diplomatique de Faure Gnassingbé, le chef de l’Etat togolais. Mais il n’est pas que ça. Il a aussi décidé de consacrer une partie de son temps à Dieu et plus précisément à l’évangélisation. Koffi Esaw est donc évangéliste ou dit l’être. Ceux qui l’ont vu évangéliser dans les croisades organisées au Palais des congrès de Lomé et au Temple du Calvaire disent de lui qu’il se débrouille pas mal.
« Il est dévoué à l’œuvre de Dieu et n’est pas du tout mauvais comme évangéliste. En tout cas, quand je l’écoute, ce qu’il dit engendre beaucoup de changement en moi », témoigne un fidèle de l’Eglise des Assemblées de Dieu à propos de l’ancien ministre des Affaires étrangères dans le gouvernement Houngbo I. Mais ça, c’est l’apparence. Reste à savoir si Koffi Esaw dispose des autres caractéristiques d’un bon évangéliste en l’occurrence être converti (donc avoir reçu le Saint Esprit), avoir l’assurance du salut, avoir un bon témoignage, être appelé ou agir sous la direction divine, être rempli de la vision de Dieu, ou être un exemple à suivre pour ne citer que ceux-là. Mais passons.
Koffi Esaw dit aimer Dieu. Parallèlement à ses fonctions officielles, il dirige un groupe de prières, « Compassion » qui se lance souvent dans des croisades en faveur des malades et pour la paix au Togo. Pour lui, le salut du Togo et des Togolais est entre les mains de Dieu et passe nécessairement par la prière. Et il en est convaincu.
« Nous avons aujourd’hui beaucoup de défis à relever au plan national, beaucoup de chantiers ont été menés avec succès par le gouvernement, d’autres sont en cours et, ce qui est assez normal, il y a des difficultés de tous genres sur le parcours. C’est donc l’occasion d’invoquer Dieu car nous avons besoin d’une Nation où règnent la paix et l’harmonie, où le pardon est réel. La violence, la guerre, les mésententes, ne font pas partie du plan de Dieu pour le Togo. De nombreux pays ont connu des transformations positives grâce à la prière. Lorsque les hommes de Dieu se mettent à genoux pour prier, alors tout devient possible », disait-il dans une interview accordée au site du gouvernement togolais.
Mais comment peut-on prétendre prier pour le Togo quand, au même moment, on collabore avec ceux qui contribuent au pillage des ressources de ce même pays ? La question garde tout son sens.
Koffi Esaw, un pur produit du régime Gnassingbé
La collaboration de Koffi Esaw avec le clan Gnassingbé ne date pas d’aujourd’hui. Avant qu’il ne soit connu des Togolais en 2008, Esaw avait servi sous Gnassingbé père. En 2004, il a été nommé ambassadeur du Togo en Ethiopie. C’est lui qui représentait aussi le Togo auprès de l’Union Africaine dont le siège se trouve à Addis-Abeba. Il cumulera ces deux postes avant le décès du Général Eyadéma en 2005 et son remplacement par Faure Gnassingbé. Tout comme les caciques du régime RPT, il contribuera à imposer Faure au peuple togolais avec toutes les conséquences que cela a engendré. C’est lui qui s’est chargé de défendre cette succession anti-constitutionnelle auprès de l’UA. Lors d’une réunion consacrée par cette institution au cas togolais, Koffi Esaw a soutenu que cette succession monarchique était nécessaire, affirmant que la seule façon d’éviter des agitations dans le pays est de laisser le fils remplacer le père.
Cette fidélité lui a valu le maintien à son poste jusqu’à septembre 2008 où il sera nommé ministre des Affaires étrangères dans le premier gouvernement de Gilbert Houngbo. Remplacé à son poste par Elliott Ohin dans le gouvernement Houngbo II formé à la suite de l’accord intervenu entre le RPT et l’UFC, Koffi Esaw ne quittera pas pour autant les sphères de la diplomatie togolaise. Il sera nommé ministre, conseiller principal à la Présidence, chargé des questions diplomatiques et de la coopération par le chef de l’Etat. Eliott Ohin de l’UFC n’est ministre des Affaires étrangères que de nom. C’est Koffi Esaw qui, en réalité, se charge de tous les dossiers diplomatiques du pays.
Point n’est besoin de le démontrer. Tout se voit clairement. L’évangéliste-ministre est un pur produit du régime des Gnassingbé. Il n’est pas qu’un simple collaborateur, non. Bien au contraire, il fait parti des ténors du régime, de ceux qui contribuent à maintenir ce système qui régente le Togo depuis des décennies. Il contribue lui aussi, comme les autres, au pillage du peu de ressources financières dont le Togo dispose. Et pourtant, il se dit Evangéliste, priant Dieu pour le bien-être du Togo et des Togolais. Si telle est le cas, comment les prières de Koffi Esaw peuvent-il être exaucées ? Comment peut-il vouloir à la fois le bien et le mal de son pays ? Autant d’interrogations qui nous poussent à penser que les croisades d’évangélisation et de prière du ministre visent d’autres objectifs inavoués.
Quand Koffi Esaw endort les Togolais
Evangéliser, répandre la parole de Dieu pour le salut des âmes, ça n’a rien de mauvais. Au contraire, c’est une œuvre utile. Mais, quand cela vise d’autres objectifs, surtout des objectifs politiques et malsains, il y a de quoi être dépité.
Bien d’années déjà que les Togolais ploient sous la dictature du régime qui les régente depuis 1967. D’abord ce fut avec Eyadéma qui, pendant 38 ans, a dirigé le Togo d’une main de fer, pillant les ressources du pays avec ses collaborateurs et ne laissant qu’une infime partie aux Togolais. La situation économique déjà très précaire, s’est complètement détériorée après les années 90, surtout avec la rupture de la coopération de l’Union Européenne avec le Togo. La Pauvreté s’est accrue, la misère s’est répandue sur l’ensemble du territoire national. Ce n’est pas le problème d’Eyadéma qui passait de beaux jours dans son palais de Lomé II.
La mort finira par avoir raison de lui en 2005 et malgré sa venue dans des conditions catastrophiques, les Togolais avaient cru que son fils, Faure, ferait mieux. Ils se sont trompés. Le nouveau président s’est plutôt entouré d’une nouvelle équipe de pilleurs, mieux expérimentés que celle de son père. Résultats, aucun changement significatif sur le plan économique. Pire, la situation a empiré, surtout avec le contexte de vie chère. Les Togolais n’avaient plus qu’une seule alternative, se tourner vers Dieu en qui ils trouvent la tranquillité et la paix du cœur en dépit de leurs difficultés quotidiennes. Et tout porte à croire que c’est cette opportunité que voudrait saisir Koffi Esaw à travers ses croisades d’évangélisation. En profiter pour endormir les Togolais et éviter qu’ils ne se révoltent contre le système qui les régente.
Si l’homme se « drogue » par la religion, dit Marx, c’est finalement pour oublier sa misérable condition. Il idéalise alors un ailleurs ; un autre monde où la vie serait meilleure. Et pour Marx, ceci représente un véritable danger. Car, d’une part, en se donnant à la religion, l’homme ne pense plus à son accomplissement sur Terre. Il oublie la finalité de la vie et se détourne aussi du sentiment de révolte, avec la certitude que le vrai bonheur l’attend ailleurs, dans le monde céleste. La religion serait finalement un moyen, une force qui permettrait incontestablement de réduire les rancœurs du peuple pour ses dirigeants corrompus.
La Religion est un tranquillisant très bénéfique pour le régime. Voilà pourquoi il laisse foisonner des églises partout sur le territoire national et surtout à Lomé. Des églises qu’on ouvre dans des maisons et des garages et qui exercent sans même recevoir l’agrément de l’Etat, en toute pollution sonore.
Rodolph TOMEGAH