Le triomphe du PSG s’abîme dans la violence
Les violents incidents qui ont gâché la célébration du titre du Paris Saint-Germain mettent sous pression les autorités et viennent rappeler à ses propriétaires qataris que le club est encore loin d’être le beau jouet sans histoires dont ils rêvent.
Les débordements d' »ultras » toujours ulcérés d’avoir été écartés des tribunes du Parc des Princes il y a trois ans et les violences de « casseurs » venus en découdre avec les forces de l’ordre et se livrer à des actes de vandalisme ont transformé lundi soir l’esplanade du Trocadéro en champ de bataille.
Une trentaine de blessés légers, dont trois policiers, une vingtaine d’interpellations, des centaines de milliers d’euros de dégâts : le bilan de ce qui devrait être une fête au lendemain du premier sacre du PSG en Ligue 1 depuis 19 ans fait désordre.
La polémique a pris mardi un tour politique, des personnalités de droite accusant le ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, et le préfet de police de Paris, Bernard Boucault, d’amateurisme pour avoir donné leur feu vert à cette manifestation à risques sur la voie publique, à l’ombre de la Tour Eiffel.
« Comment a-t-on pu à ce point sous-estimer l’ampleur de ce mouvement de casseurs au point d’avoir un effectif de police aussi limité ? Tout cela est tout simplement inacceptable », a dit mardi à la presse Jean-François Copé, président de l’UMP.
« Il appartient à Manuel Valls d’en rendre compte à l’Assemblée nationale, au président de la République d’en tirer un certain nombre de conséquences. Je ne vois pas comment le préfet de police, qui n’en est pas à son premier échec, peut être maintenu dans ses fonctions », a-t-il ajouté.
Le ministre de l’Intérieur a riposté en accusant la droite de dénigrer le travail des forces de l’ordre.
« Je veux rappeler un fait, les coupables ce sont les casseurs », a dit Manuel Valls sur Europe 1. « J’entends dire de la part de certains à droite, à l’extrême droite, que la police n’a pas fait son travail. Il y a donc une mise en cause non pas du ministre de l’Intérieur mais des forces de l’ordre et ceci est inacceptable de la part de ces élus. »
UN CLUB AU PARFUM DE SOUFRE
Même si les casseurs, comme souvent lors de manifestations sur la voie publique, ont largement contribué aux scènes d’émeutes, c’est bien le conflit entre les « ultras » parisiens et les nouveaux propriétaires du club qui est à l’origine des débordements de lundi soir.
Le problème prend sa source en août 2010, lorsque le président du PSG de l’époque, Robin Leproux, a annoncé des mesures radicales pour enrayer un regain de violences entre supporters d’un club traînant depuis des années une odeur de soufre.
La dissolution des « kops » rivaux de Boulogne et d’Auteuil, soit les deux virages opposés du stade parisien, le placement aléatoire des spectateurs et la suspension temporaire des abonnements, rétablis depuis, avaient provoqué la fureur des « ultras » mais ramené le calme dans les tribunes du Parc.
Il convient de distinguer ces « ultras », supporters fervents susceptibles de débordements mais traditionnels pourvoyeurs d’ambiance dans le stade, des « hooligans » parisiens, violents et souvent marqués à l’extrême droite, qui ont longtemps défrayé la chronique mais ont pratiquement disparu.
Quand les actionnaires de Qatar Sports Investments (QSI) ont pris le contrôle du club en 2011, ils ont poursuivi la politique lancée par leurs prédécesseurs de Colony Capital, notamment en augmentant le prix des billets avec l’objectif affirmé de peupler les tribunes du Parc d’un public familial.
Si des affrontements sporadiques éclatent encore aux environs des stades, que les Parisiens jouent à domicile où à l’extérieur, le Parc est désormais pacifié. Mais les supporters écartés d’une enceinte qu’ils considéraient comme leur résidence secondaire ne sont pas calmés.
LE CHEMIN RESTE LONG
« Liberté pour les ultras », proclamait ainsi une banderole déployée par des supporters sur l’esplanade du Trocadéro, peu avant l’arrivée des stars de l’équipe, qui ne sont restées que quelques minutes avant d’aller continuer la fête dans des endroits plus calmes.
Tandis que la polémique faisait rage, les « ultras » exclus en 2010 des tribunes du Parc ont publié mardi un communiqué pour se distinguer des « casseurs », beaucoup plus nombreux qu’eux lundi soir au Trocadéro, selon des journalistes de Reuters présents sur les lieux.
« Les ultras ne sont pas des casseurs », écrivent-ils. « Nous, ex-pensionnaires des virages du Parc des Princes, boycottons le stade et les produits du club depuis la présidence du sinistre Robin Leproux. Or, regardez les images que les médias ont diffusées en boucle : les casseurs arborent pour la plupart les maillots que nous refusons de porter. CQFD. Ce n’était pas nous. »
L’ambition du président qatari du PSG, Nasser al Khelaifi, qui a fait venir à Paris des joueurs du calibre de Zlatan Ibrahimovic en leur offrant des salaires mirobolants, est de faire du club de la capitale une institution triomphante sur le terrain et respectable en dehors, à l’image du FC Barcelone ou du Bayern Munich.
Sportivement, son projet avance. Mais pour le reste, il a pu mesurer lundi soir le chemin qu’il lui restait à parcourir à la tête d’un club désormais interdit par la préfecture de police de manifestations festives sur la voie publique.
« Le Paris Saint-Germain est plus que jamais déterminé à poursuivre son projet de bâtir un grand club européen digne de la capitale, très loin des agissements de ceux qui veulent détruire son rêve », dit le PSG dans un communiqué.
REUTERS