A l’heure où la lutte pour l’État de droit et l’avènement de la démocratie qui se traduit par l’alternance au sommet de l’État est arrivée à un point mort, au moment où une certaine déception ronge la majorité des togolais épris de démocratie, d’alternance et de la bonne gouvernance, à cette étape de la lutte où tout semble à reprendre à zéro, il faut poser les vrais problèmes qui compromettent l’aboutissement de cette lutte. A part la classe politique de l’opposition qui a toujours été incriminée, la part de responsabilité de la société civile, du moins celle qui se réclame du peuple, est tout aussi considérable. Il faut donc relever ses manquements afin de rectifier le tir.
La société civile togolaise est aussi vieille que la classe politique de l’opposition. En réalité, elle est plus vieille que celle-ci. Trente ans après son engagement au côté du peuple pour l’enracinement de la démocratie, l’avènement de l’alternance et d’un véritable État de droit au Togo, cet engagement n’aura accouché que d’une souris. L’échec de la société civile saute aux yeux. Cependant, les organisations dites de la société civile voient le jour à tout moment. Certaines naissant sur les cendres d’autres. La société civile se renouvelle donc mais l’objectif n’est jamais atteint. La société civile togolaise brille donc par sa faiblesse.
Le constat est clair, l’échec de la société civile togolaise est d’abord endogène. Des organisations et mouvements de la société civile sont sans objectif clair et précis, distraits, ils restent influençables par des faits divers et perdent donc leur orientation. Sans stratégie pérenne dans l’action, ces organisations végètent dans le général et prennent tout ce qui relève de la société civile comme étant leur champ de bataille. Or, la société civile est composite et plurielle. Une OSC doit avoir un domaine d’intervention clair et définit son objectif en fonction. Au sein d’une société civile se trouvent des OSC d’obédience politique, économique, sociale, syndicale, caritative…Toutes se réclamant de la société civile mais ayant leur domaine d’intervention précis.
Au Togo ce n’est pas le cas, une organisation de la société civile peut tout se permettre. Lutte politique, elle est présente. Défaillance de l’organe judiciaire, elle est présente. Une question économique ou de mauvaise gestion financière dans un quelconque secteur, elle se pointe. Accident de circulation, débat de consommateurs, inondations, etc. Même pour un fait isolé, la même OSC pointe son nez. Comment peut-elle être efficace et atteindre un objectif ? Cette façon de faire est l’une des causes principales de l’échec de la société civile d’obédience politique tout comme la classe politique de l’opposition.
Il n’est pas rare au Togo de voir une organisation de la société civile d’obédience politique aller faire des œuvres caritatives avec une publicité autour. C’est de l’inconstance. Il y a des organisations spécialisées dans des œuvres caritatives qui pourraient se charger de ces actions ; il suffirait de leur apporter des soutiens. D’ailleurs organiser une publicité, pourquoi faire ? Une OSC ne fait pas sa publicité, elle se concentre sur son objectif et mobilise des ressources nécessaires à cet effet. Cette façon de procéder prête le flanc à ceux qui accusent à tort ou à raison les OSC de faire du business et se faire de l’argent sur le dos de la population. La preuve, le reflexe pour les OSC dans la résolution des problèmes se trouve être des cotisations par ci, des mobilisations des fonds par là sans compte et sans résultats.
Les exemples sont abondants pour corroborer la thèse de l’état évasif des OSC togolaises. Retour sur quelques faits plus ou moins récents pour illustrer cet égarement récurrent de cette société civile qui se trouve à la merci des faits divers qui l’écartent souvent de son objectif principal. Juste au lendemain de l’élection présidentielle du 22 février, est survenu l’assassinat du Colonel Madjoulba. Ce fait était devenu le cheval de bataille pour cette société civile qui clamait justice pour Madjoulba durant des mois, oubliant donc toutes les questions politiques et laissant le pouvoir préparer son nouveau mandat sans être inquiété.
Quelques temps après, survient l’assassinat du jeune Mohamed. Ce fut alors l’événement qui a de nouveau détourné l’attention de ces OSC de leur objectif. Pendant tout ce temps, le régime est resté dans sa quiétude sans dire mot. Et tout récemment, c’est l’affaire dite Petrolgate qui était au centre de toutes les actions des organisations de la Société civile qui militent pour l’avènement de l’alternance politique au Togo. Des communiqués, des sorties médiatiques oubliant pour longtemps sa vocation première.
Pour des observateurs qui connaissent à fond le régime togolais, sachant que la société civile se laisse très vite influencer, il est capable de créer régulièrement et de multiplier des phénomènes de chocs pour distraire la société civile et même la classe politique de l’opposition. Ce sont donc des paramètres à prendre en compte pour repenser les actions de la société civile togolaise.
Il suffirait de prendre l’exemple sur les mouvements de la société civile malienne. Même avec les attaques des groupes islamistes faisant des morts, des dégâts matériels au sein de la population, elle ne s’est pas laissée distraire, elle était restée attachée à son objectif premier qu’est de faire quitter IBK du pouvoir jusqu’à ce qu’elle obtienne gain de cause.
Une organisation de la société civile qui ne se fixe pas un objectif clair et qui pense embrasser toutes les questions liées à la société ne peut qu’être faible, incompétente et sans résultat. L’expérience togolaise le prouve à suffisance. Il faut pour les OSC du Togo de se donner une finalité à laquelle elles s’en tiennent pour ne plus se laisser distraire par un vent, de l’air ou un rien du tout.
Amos DAYISSO