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Gozem, Olé, Zmobile… La fausse route du gouvernement

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(@independantexpress.net)

A Lomé, les klaxons de motocyclistes à longueur de journée n’étonnent que les étrangers nouvellement arrivés. Les citoyens eux, y sont habitués. La pratique des taxis-motos, communément appelé “Zémidjans“ connait un essor fulgurant au Togo, particulièrement dans les grandes villes du pays depuis plusieurs décennies. Perçu comme un moyen pour pallier le problème de chômage grandissant, ce phénomène est encouragé par les autorités qui tentent tant bien que mal de le réglementer et surtout d’en faire une institution. Cette pratique est pourtant la source de nombreux autres problèmes : dégradation de la santé des conducteurs, pollution de l’air, augmentation des accidents de circulation…

La pratique des taxis-motos nait dans les années 1990 pour répondre au problème de manque de transport dans les zones urbaines, mais aussi pour occuper une jeunesse désœuvrée suite aux crises socio-politiques et économiques récurrentes des années 1980-1990. Cette activité permettait alors de répondre aux difficultés de mobilité des citoyens surtout dans les capitales (Lomé, Kara). Comme avantage, le taxi-moto permet de facilité l’accès à certaines zones inaccessibles pour les taxis auto, mais aussi une flexibilité des prix.

Ce mode de transport très vulgarisé a alors séduit de nombreux jeunes en zone urbaine et rurale qui voyait en cette activité une aubaine, un moyen efficace de mettre un terme à leur précarité.

Malheureusement, cette pratique est très vite devenue une gangrène dans plusieurs pays africains (Bénin, Togo, Cameroun, Nigéria…) où le chômage a atteint des niveaux exponentiels. Confronté à ce problème de manque d’emploi, les gouvernements n’ont pu que laisser faire pour subir.

Le taxi-moto est considéré comme une source de revenue ; mais même s’il permet aux conducteurs de trouver de quoi vivre au jour le jour, il ne contribue pas vraiment à améliorer les conditions de vie des citoyens.

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Cette activité est la principale cause de l’insécurité routière au Togo. Elle met en danger non seulement la vie du conducteur mais aussi celle du passager et des autres usagers. Les conducteurs de taxi-moto (Zedman) n’ont en majorité aucune connaissance du code de la route et ignorent complètement les règles de circulation. Ils roulent donc à leur guise et font très souvent de la surcharge. L’obligation du port du casque a certes diminuée les risques d’accidents mortels ; mais depuis, l’accroissement de la population urbaine engendre une augmentation remarquable des engins à deux roues et donc l’encombrement des routes. Les accidents de circulation deviennent alors récurrents.

Rien que sur la période de janvier à juin 2020, plus de 2 600 cas d’accidents de circulation ont été recensés sur les routes togolaises. Causés en majorité par des motocyclistes (généralement des conducteurs de taxi-moto), ces accidents ont fait 241 morts et 3.734 blessées ; et ce malgré la crise sanitaire qui a limité considérablement les déplacements de la population.

Les problèmes de santé liés à cette activité sont également légion. Ils sont nombreux à se retrouver fragilisés après quelques années d’activité. C’est le cas de Kodjo, résident au quartier d’Adidogomé, qui a été conducteur de taxi-moto pendant plus de huit (08) ans. « Au début j’étais très content de ce travail. J’ai même pu construire une petite maison sur le terrain que mon père m’a légué. Mais avec les années, ma santé s’est détériorée. Je revenais le soir très fatigué et malade. Je dépensais mes économies pour me soigner et pour la réparation de ma moto. En 2017, j’ai décidé d’arrêter après une hospitalisation pour un problème de foie ; depuis j’aide ma femme dans son petit commerce », confie-t-il. Cette activité fragilise considérablement le corps ; pour tenir le coup, ces travailleurs précaires font un usage abusif de certains stupéfiants et excitants, ce qui détériore énormément leur santé.

Cet exemple n’est pas un cas isolé. Les Zedman sont lésés par leur activité et se retrouvent des années après dans une grande précarité et sans aucun soutien pour assurer leur vieux jour.

Un autre problème lié à cette activité est la pollution de l’air et pour cause, la majorité des Zémidjans ont un engin en mauvais état et achètent du carburant frelaté aux abords des voix. À tous les coins de rue et sur les grandes routes, les engins de ces conducteurs dégagent une masse gazeuse épaisse toxique (du monoxyde de carbone), qui pollue l’environnement. Tous les usagers aux alentours sont obligés d’inhaler cette nuée de particules et s’exposent donc à de graves problèmes respiratoires.

Les taxis-motos posent aussi un problème de nuisance sonore. L’on s’en rend compte à tous les feux tricolores de la ville ; la pléthore de Zémidjans en circulation est à l’origine d’un vacarme assourdissant.

Devenue incontournable au Togo, les autorités tentent depuis de réglementer cette activité, mettant en exergue le manque de professionnalisme des conducteurs. C’est ainsi que de nouvelles sociétés de transport conçus sur ce modèle et des systèmes de régularisation et de formalisation ont vu le jour.

“GOZEM“ ou encore la société “Olé“ ont été créé depuis peu et cherchent à apporter une approche moderne à cette activité. Les conducteurs sont formés au code de la route et sont soumis à des contraintes d’éthique et de professionnalisme. De l’aveu de nombreux clients, l’on se sent plus en sécurité. Et plus récemment, la société “Z-Mobile“ s’offre également une part de ce marché, rendant la concurrence encore rude.

Mais les crises au sein de ces sociétés sont récurrentes. Les conducteurs qui sont dans ce cas des employés de ces sociétés déplorent leur condition de travail et la difficulté d’accès à une assurance maladie. En clair, la professionnalisation de cette activité n’est pas une solution efficace pour résoudre sur le long terme le problème des taxis-motos au Togo.

L’Etat quant à lui, cherche à apporter une touche moderne en formalisant cette activité. Il a ainsi été créé une application dénommée “DOSIApp“ pour permettre aux Zémidjans de s’enregistrer et de formaliser ainsi leur service.

Toutefois, chercher à formaliser ce secteur et à le rendre professionnel n’est pas la solution adéquate. La structuration de l’activité des taxis-motos est une solution pour le moins fugace. Et cela s’explique par le fait que de nombreux hauts responsables et des autorités cherchent à profiter de la situation en investissant considérablement dans des sociétés offrant des services de taxi-moto. De plus, l’engouement des autorités autour du métier précaire de taxi-moto traduit leur désir de maintenir cette jeunesse désœuvrée sous contrôle pour éviter la grogne sociale. Pourtant, la frustration est énorme. Les jeunes exercent cette activité parce qu’ils sont contraints de le faire pour survivre.

D’ailleurs, certains pays ont compris la nécessité de mettre un terme à cette activité. C’est le cas de la Côte d’Ivoire où le service de taxi-moto est légalement interdit pour la sécurité des citoyens. Aussi, des opérations de mise en fourrière sont-ils régulièrement organisée pour dissuader les conducteurs qui persistent dans cette activité.

S’appesantir sur les moyens à mettre en œuvre pour réglementer et professionnaliser cette activité éphémère est donc une solution inefficace sur le long terme. Il serait sans aucun doute plus utile de mettre un accent particulier sur une solution pérenne, notamment la structuration du secteur des transports en commun. Et cela pour plusieurs raisons évidentes. Dans les prochaines décennies, l’on s’attend à voir naitre des chaînes de transport public moderne et des réseaux de bus urbain. De plus, le renouvellement du réseau routier avec la construction de grandes autoroutes somptueuses ne laissera pas de place aux engins à deux roues.

Que deviendront alors les milliers de jeunes diplômés ou non, qui s’engouffrent dans cette activité sans avenir ? Assurément, les enjeux sont d’autres ordres. Repenser le système éducatif, mettre un accent particulier sur l’entrepreneuriat notamment dans le domaine agricole peut être la réponse idéale au chômage et au sous-emploi ; ou du moins, c’est ce que laissent penser certains pays africains comme le Rwanda.

Ce pays est un exemple réel de modernisation. Depuis quelques années, les pistes poussiéreuses des villes rwandaises font place à de grandes artères et à de nouvelles autoroutes. L’entrepreneuriat est mis au centre du système éducatif et les jeunes sont incités à laisser libre cours à leur esprit créatif.

Les autorités togolaises devraient s’inspirer de tels exemples et soutenir les jeunes dans la création d’emplois durables.

 

Eric GAGLI

 

 

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