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Togo/ Exécution des Marchés publics : L’État, Ennemi N°1.

19ème revue de la performance des reformes

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Les reformes économiques et financières  ne se portent bien au Togo que par les chiffres. Reste à savoir si ces chiffres reflètent la réalité d’autant plus que la situation économique du pays ne permet pas de classer le Togo parmi les bons élèves. Tout en se départissant des lourds calculs macroéconomiques qui plombent la compréhension, il est important de comprendre ce qui motive le faible taux d’exécution des marchés publics au Togo. Le ministre de l’économie et des finances ne devrait pas s’en plaindre et le gouvernement devrait se jeter la pierre. Il est l’ennemi numéro 1 de ce faible taux.

L’économie togolaise ne se porte pas bien du tout. L’endettement lourd, environ 70% du PIB n’est pas fameux pour un pays enclin à une crise sociopolitique, mais qui s’efforce à faire le miracle face à une réalité catastrophique.

Le 27 aout dernier, le ministère de l’économie et des finances a procédé à la 19ème  revue nationale de la performance des réformes dans les départements ministères et institutions de l’Etat à la fin du mois de juin 2019.

Selon le rapport, le Togo est à 77% de réalisation de ses reformes dans les différents départements ministériels.

La satisfaction béate que s’offre le gouvernement ne fait guère l’unanimité et est loin d’être prise au sérieux en matière de performances.

Il y a l’organisation des élections locales, dénoncées par les acteurs et qui ne permet pas efficacement de mettre sur les rails une décentralisation assez huilée.

En ce qui concerne les mesures prises dans le secteur des marchés publics, les résultats se font encore attendre, dans la mesure où, la corruption continue de régner en maître dans le secteur des marchés publics : Le népotisme, les copinages et les instructions tous azimuts ne créent pas des conditions transparentes dans la gestion des marchés publics.

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Les personnes en charge des marchés dans les différents départements, sont soit, inféodées à une hiérarchie qui donne des consignes pour l’attribution des marchés, ou se trouvent être elles-mêmes bénéficiaires des marchés à travers des sociétés écrans créées ça et la.

Toutes ces irrégularités ne peuvent être mises à l’actif des performances, étant donné qu’elles affectent négativement la transparence.

En conclusion de la 19ème revue, le Ministère a touché du doigt un point très important. Le faible taux d’exécution des marchés publics.

Il est surprenant que Sani Yaya, le Ministre de l’économie et des Finances s’étonne de cette situation, alors que lui-même connaît la réponse : « Au 30 juillet 2019, les investissements sur ressources internes sont de 15 milliards sur 95 (15,8%). Les investissements sur ressources externes sont de 51 milliards sur 189 (27%). » Conclut le rapport.  « Nous interpellons le secteur privé notamment ceux qui prennent les marchés à faire des efforts parce que les travaux n’avancent pas. Sans investissement il n y a pas de croissance… » a exhorté Aharh Kpessou du ministère de l’économie et des finances. Bravo. C’est très bien dit. Sans investissement il n y a pas de croissance. Et justement, l’investissement au Togo est rare, la croissance est stagnante, voire nulle.  Une simple interpellation  du ministère, dans une rigueur économique, devrait tenir compte de la situation des entreprises qui exécutent les marchés publics.

La situation des entreprises est pitoyable. Pitoyable vis-à-vis de l’Etat, pitoyable vis-à-vis des banques et encore plus déplorable vis-a-vis des circuits de corruptions qui infectent les procédures d’attribution et d’exécution des marchés.  Nous l’allons démontrer.

La responsabilité de l’Etat

De toutes les expériences vécues et les témoignages des entrepreneurs, l’Etat n’est pas un partenaire crédible dans la gestion des projets d’exécution des marchés, parce que, dit-on, l’Etat paie mal, ou l’Etat ne paie pas.

La plupart des travaux restés en souffrances, le sont, parce que l’Etat, le ministère de l’Economie et des finances en tête, refuse souvent de faire des décaissements optimaux, dans les calendriers d’exécution des travaux pour les voir évoluer.

C’est ce qui  entraîne le phénomène du préfinancement avec les entreprises qui ont de bonnes relations avec les banques, ou les partenaires internationaux qui doublent ou triplent la mise des budgets d’exécutions en tenant compte du risque  de se faire rembourser après plusieurs mois, voire plusieurs années, ou à compte-gouttes.

Plusieurs entreprises togolaises ont aujourd’hui mis la clé sous le paillasson, en raison du fait qu’elles ont effectué des crédits auprès des banques en comptant sur le règlement de l’Etat en fin d’exécution, mais se heurtent à la difficulté de se faire rembourser.

Du coup, non seulement, elles sont harcelées par les banques, mais aussi par des prestataires de service et des fournisseurs à qui elles ont remis des bons de commande. Cette situation a crée une crise de confiance chez tous ces acteurs qui finalement ne croient plus à l’Etat. L’autre phénomène est la situation de déception au niveau du trésor.

Même si les fonds d’après exécution des travaux sont disponibles au trésor, il faut faire des pieds et des mains pour que le trésor les décaisse. La plupart du temps après une intervention d’une haute autorité de l’Etat, ou souvent après avoir accepté de se faire charcuté son argent par de véreux démarcheurs du trésor qui exigent des pourcentages de commissions. Voilà qui n’encourage pas l’exécution des marchés publics.

Au niveau des banques.

Le niveau de confiance étant très bas, les banques togolaises sont souvent réticentes à accepter des crédits, s’il s’agit d’un marché de l’Etat.

D’amères expériences enseignent aux banques de se méfier.  Plusieurs entreprises se sont vues arracher les patrimoines (engins et immeubles) pour refus de paiement.

CECO BTP  par exemple a vu des banques lui envoyer des huissiers pour notifier la saisie de plusieurs biens pour des crédits non remboursés, surtout, avec la caution à la base de l’Etat. Parfois, ces fonds sont dépensés dans le financement des activités politiques en faveur du Chef de l’Etat ou du parti au pouvoir.

Obtenir donc un prêt dans une banque pour exécuter un marché devient un parcours de combattant : exigence des garantis extravagantes, notamment le titre foncier d’un immeuble, exigence   des cautions morales et physiques et des taux exorbitants de remboursement. Lenteur dans l’attribution du crédit. Frais parallèles lourds etc.

Le système paradoxal de prêt au Togo se résume au fait que ce ne sont pas les banques qui courent après les entreprises, mais c’est plutôt le contraire, avec, bien entendu, la résistance des banques à céder à la demande de crédit.

Monsieur le ministre, cela est un obstacle à l’exécution des marchés publics.

La corruption à haute dose.

L’autre plaie qui gangrène les marchés publics au Togo se trouve être le niveau élevé de la corruption. Avant même que le marché ne soit attribué, les pots de vins circulent entre les personnes en charge des marchés dans les différents départements et les postulants.

Des coups bas, des complots, des trafics d’influences entraînent l’obtention des marchés par des entreprises ou sociétés non qualifiées.

Parfois, la fameuse loi du moins-disant fait que les budgets présentés ne répondent souvent pas au plafond de l’exécution.

Pire, au décaissement ou parfois avant, les commissions perçues par tous les acteurs de la chaîne réduisent à néant les fonds d’exécution.

Conséquence, les travaux traînent ou sont arrêtés. Les populations crient à la désolation, les pilleurs s’en frottent les mains, l’Etat, dans la prise en compte des combines politico familiales et les trafics d’influence, se résout au silence et à l’incapacité d’agir. Cela entraîne également le faible taux d’exécution des marchés, Monsieur le Ministre.

Le Ministre de l’Economie et des finances sait à présent pourquoi il ne peut pas s’étonner de la situation du faible taux d’exécution.

L’Etat n’a qu’à s’en prendre à lui-même. Le gouvernement a donc l’obligation de franchir ces obstacles épistémologiques, en assainissant tout le système d’attribution des marchés jusqu’à l’exécution, avant d’attendre des résultats probants.

Mais la situation telle qu’elle se présente, ne peut, en aucun cas se résoudre par une simple interpellation ou un vœu pieu.

Quant aux chiffres, ils resteront des chiffres tant que les mentalités et les reflexes de corruption ne seront pas combattus.

Les chiffres parlent, quand le développement est en marche.

Visiblement, on constate que la 19ème revue donne de gros chiffres de satisfaction de performances des reformes, en déphasage avec la réalité sur le terrain.

Les partenaires en développement, et les observateurs avertis ne sont pas dupes pour avaler ces pourcentages erronés, fabriqués pour faire plaisir à ceux qui le veulent.

Des élections locales forcées dans un pays en crise, par exemple ne peuvent être des indicateurs d’une performance économique. Tous les agrégats macroéconomiques sont d’avis.  Surtout que les chiffres évoqués ne se traduisent pas dans la réalité de la croissance économique. Sinon, le Togo aurait déjà franchi la croissance à deux chiffres. Et si cela arrivait, le ciel tombera de tintamarre de propagande sur les togolais devenus objets de défi pour les gouvernants.

Carlos KETOHOU

 

 

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