C’est le sujet de discussion de prédilection qui alimente le quotidien des congolais depuis quelques semaines: l’Amicale Internationale. Une association à but non lucratif créée au milieu des années 90, après la perte du pouvoir par Denis Sassou Nguesso. Une période éminemment très compliquée pour les pros-Sassou d’alors où il fallait s’habituer à vivre dans l’opposition et faire face à des difficultés de tous ordres. Mais ça c’était avant.
L’initiative est à mettre à l’actif d’Edgard Nguesso, alias DDP, qui avait réuni au sein de cette structure des jeunes congolais de sa promotion, issus pour la plupart de quartiers populaires en l’occurrence Poto-Poto. Mais une vingtaine d’années ont passé et l’eau a coulé sous le pont, Denis Sassou Nguesso est entre temps revenu aux affaires mais l’Amicale Internationale est restée soudée et mobilisée sous la houlette de son mentor Edgard Nguesso, du moins jusqu’à ce début du mois d’octobre 2016. En effet, à la faveur d’une rocambolesque Assemblée générale extraordinaire qui s’est tenue à Brazzaville le 8 l’Amicale Internationale est passée sous le contrôle de Denis Christel Sassou à travers l’élection de ROCH AKINDOU (précédemment très proche d’Edgard NGUESSO). L’amicale internationale a du coup changé de dénomination pour devenir l’Amicale Internationale Nouvelle Vision (AINV).
Ambitions démesurées et trahison
En une vingtaine d’années d’existence, l’Amicale Internationale dans sa configuration première était une association apolitique et à but non lucratif qui prônait la fraternité, la solidarité, l’unité et la cohésion sociale. Elle a grandi et apparaissait comme un véritable moyen de pression au sein de la société civile et de classe politique congolaise qui commençait à être convoiter par des félins aux appétits voraces.
La stratégie trouvée par Denis Christel Sassou était simple et claire, faire passer cette association sous sa coupole quelques que soient les moyens et la manière qu’il fallait y mettre. S’en est suivi alors un débauchage à tout va. Des membres de la première heure de l’Amicale Internationale sont devenus des joueurs de football qu’il fallait transférer d’un camp à un autre à coup de gros chèques. De source proche de la nouvelle organisation on avance le montant de 200.000.000 FCFA qui aurait été décaissé par « le Fils de l’homme » Christel Sassou pour achever ces « transferts ». Une transaction menée avec la complicité de l’honorable Hydevert Mouayi, par ailleurs cousin d’Edgard Nguesso et bien connu des services de police français pour de nombreux délits.
Au total, ce sont seulement 4 membres de l’Amicale Internationale (version Edgard) qui ont rejoint le nouveau bureau de l’AINV. Une vingtaine d’autres membres fondateurs ont donc maintenu leur confiance à Edgard Nguesso et sont restés dans la maison mère.
Un observateur averti de la politique congolaise et proche du DDP, qui requiert l’anonymat tente de nous donner une première explication: » cher journaliste, sachez que ceux qui sont partis créer l’AINV, ont trahi un frère et un ami. Ils ont été proche d’Edgard durant des décennies, ils ont presque été tous façonnés par ce dernier, ils ont profité de ses largesses mais peut être qu’ils étaient des mégalomanes, certains sont partis parce qu’ils convoitaient des postes ministériels et n’ont pas supporté la montée en grade de certaines têtes du M2NR, c’est triste, ils n’ont pensé qu’à eux. Edgard est un exemple de loyauté et de fidélité vis à vis du PR » Fin de citation. Mais plus loin encore, ce qui irriterait dans le camp d’Edgard Nguesso c’est la trahison presqu’ inimaginable il y a encore quelques mois de Guy Mbouala. Proche parmi les proches, le départ de ce dernier a alimenté tous les tabloïds congolais et a été aperçu comme un psychodrame du côté de poto poto.
Dans le camp d’en face on balaie ces arguments, on évite soigneusement le dossier car on ne souhaite pas publiquement froisser le » Grand frère Edgard » et on préfère minimiser le dossier. La frilosité de nos interlocuteurs étaient à peine voilée.
Face à face « Edgard le stratège », et « Kiki le pétrolier »
D’un côté Edgard Nguesso, 50ans, fidèle parmi les fidèles, l’homme de tous les combats du père, Denis Sassou Nguesso. Membre de la famille présidentielle, Edgard a traversé le désert avec l’actuel président congolais durant les « années Lissouba ». Sa présence et sa fidélité sans faille aux côtés de DSN et de sa fille (Feue Edith Lucie Bongo), lui valent à ce jour la confiance totale du Chef de l’Etat congolais.
Colonel de son état, il reste très influent au sein de l’armée congolaise et occupe un poste stratégique au sein du pouvoir congolais, le Domaine présidentiel. Mais c’est aussi le Président d’honneur de la Fondation Génération à venir, qui s’investit dans l’humanitaire depuis plusieurs décennies avec plusieurs centaines d’interventions chirurgicales gratuites, des dons d’ambulances et la distribution de kits scolaires et bourses d’études. C’est son mouvement le M2NR qui aura porté le projet de la Nouvelle République avec le résultat que l’on connait, la réélection en Mars dernier de Denis Sassou Nguesso. Ses proches le décrivent comme un fin stratège, officiellement apolitique, mais il garde un regard avisé sur la situation socio-politique du pays. Si toutes nos tentatives pour recueillir l’avis de l’intéressé sur cette affaire sont restées vaines, l’un de ses visiteurs nocturnes nous rapporte les propos du DDP: « la famille passe avant tout, tout ce qui se dit est un buzz médiatique qui va se dégonfler ». Soit.
En face, il y a Christel Sassou, surnommé « kiki le pétrolier » d’une part pour sa réputation sulfureuse mais d’autre part, pour son poste stratégique au sein de la précieuse Société Nationale des Pétroles du Congo, SNPC. Titulaire d’une maîtrise en droit privé, il est considéré par beaucoup d’observateurs comme l’un des plus décidés au sein du pouvoir congolais à succéder à son père Denis Sassou Nguesso. Honorable député d’Oyo, il est Président d’honneur de la Fondation Perpectives d’avenir, dont l’imposant immeuble vaut le détour à Brazzaville, il multiplie les initiatives envers les jeunes congolais et particulièrement ceux de la diaspora et aiment s’afficher aux côtés des célébrités. Cité à plusieurs reprises dans des scandales financiers et des dossiers de corruptions et rétro commissions en France, aux États Unis et dans les Panama Papers il est tout de même mobilise sur l’objectif principal. Son entourage n’hésite plus à parler de « KIKI 2021 ». L’homme qui a le « chéquier facile » ne s’est toujours pas publiquement prononcé sur l’affaire de l’Amicale internationale. Il se montre discret dans les médias en dehors de ses apparitions publiques pour les activités de sa Fondation.
Plus qu’une question de leadership, ce qui se joue en ce moment à Brazzaville avec l’affaire de l’Amicale Internationale (version Edgard) et l’Amicale Internationale Nouvelle Vision (version Christel ) est le début d’une trilogie.
En effet, les congolais doivent bientôt faire face à trois enjeux majeurs: d’abord les élections législatives, ensuite les locales, et enfin la présidentielle de 2021. Et c’est justement sur ce dernier aspect que la guerre de succession ou d’influence garde tout son sens. Si Edgard Nguesso reste officiellement apolitique et donc loin de toute ambition présidentielle, ce n’est nullement le cas de Christel Sassou dont les ambitions présidentielles sont connues de tous. Mais la marche vers 2021 sera longue et semée d’embûches. Il faudra compter non seulement avec l’opposition congolaise pour une fois tentera de parler d’une même voix, mais aussi et surtout d’autres dinosaures comme Jean Dominique Okemba et Jean-Jacques Bouya et bien d’autres.
Commentaire d’un professeur de sciences politiques à l’université Marine Ngouabi : « l’élection présidentielle de 2021 ici au Congo sera une course de fond et non un sprint. Seul, celui qui franchira la ligne d’arrivée sortira vainqueur ». Certainement.
Il est évident que ce « hold-up associatif » – manqué – réalisé à coup de centaines de millions de FCFA par le Fils Sassou, laissera des traces…Surtout à un moment où plusieurs pays dont le Congo, font face à la crise économique profonde du fait de la chute du prix du pétrole.
Axel Bakambou