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Accaparement des terres cultivables : Le Togo concerné

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L’ONG international Oxfam avait une fois encore poussé un cri d’alarme la semaine passée pour dénoncer la situation. L’accaparement des terres, puisque c’est de ce phénomène qu’il s’agit, loin d’être négligeable, se multiplie de plus en plus en Afrique. Nigeria, Tanzanie, Ouganda, Soudan, Egypte, Mali, Liberia, voilà quelques uns des pays qui le subissent de plein fouet. Ceci, au détriment de l’agriculture familiale qui en subit les coups, engendrant la famine et la malnutrition  dans certaines régions d’Afrique. En somme, ce sont les besoins alimentaires des Africains qui sont menacés et hypothéqués lorsque les terres cultivables sont accaparées par des personnes venues d’ailleurs. Même si le phénomène n’est pas tout à fait présent au Togo, il se pratique tout de même sous des formes déguisées. Enquête.

L’accaparement des terres se définit comme « un achat ou une location à très long terme (30 à 99 ans) de grandes surfaces de terres agricoles (supérieures à 10.000 hectares) par des firmes ou des Etats étrangers pour la production des aliments de base qui seront ensuite exportés.

C’est un phénomène relativement nouveau qui soulève beaucoup d’inquiétudes et de prise de décision des acteurs de défense des droits de l’Homme, compte tenu de son ampleur et des risques de bouleversement de l’agriculture familiale (agriculture de subsistance pratiquée par les petits agriculteurs) que cela peut engendrer.

D’après des recherches effectuées par l’Institut africain pour le développement économique et social (INADES), le phénomène d’accaparement des terres s’est accéléré récemment à cause de trois nouvelles demandes qui se sont conjuguées au même moment. D’abord les pays acquéreurs sont à la recherche de terres pour produire leurs biens alimentaires parce que voulant sécuriser leurs approvisionnements pour ne pas être tributaires du seul marché mondial qui réserve parfois des surprises désagréables. Ensuite les terres sont souvent louées pour la production de certains produits à l’instar des agrocarburants. Enfin, les terres agricoles sont considérées comme une opportunité en termes de placement spéculatif et de nouvelles sources de profit. Avec les crises alimentaires et financières, des fonds d’investissement internationaux ont pris conscience de la valeur de la terre agricole. Elle est devenue un nouvel actif stratégique.

Les enquêtes ont révélé que les pays acheteurs de terres sont ceux du golfe, du fait de leurs faibles réserves en terre et en eau, mais aussi les grands pays très peuplés comme l’Inde ou la Chine. La Corée du Sud et le Japon y font également partie.

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Parmi les pays fournisseurs, on peut noter ceux d’Asie-Pacifique à faible densité de population mais riches en terres fertiles (à l’instar du Laos et du Cambodge), les pays d’Afrique et du Moyen-Orient, les Etats d’Amérique latine et d’Europe.

Etat des lieux de l’accaparement des terres en Afrique

Sur le continent noir, la situation est encore plus dramatique. Ceci, à cause du fait que les problèmes du foncier et de la sécurité alimentaire ne sont pas encore résolus. Parmi les pays grands vendeurs de terre, on peut citer le Soudan, l’Ethiopie, l’Angola, la Tanzanie, le Ghana, l’Algérie, l’Afrique du  Sud, le Bénin, le Botswana, le Cameroun, le Congo, la RDC, l’Egypte, la Guinée, le Kenya, le Liberia, y figurent également Madagascar, le Malawi, le Mali, le Maroc, la Mauritanie, le Mozambique, le Nigeria, l’Ouganda, le Sénégal, la Sierra Leone, le Swaziland, la Zambie et le Zimbabwe.

La Corée du sud, la chine et l’Arabie Saoudite sont citées parmi les principaux acheteurs. On estime à près de 2,5 millions d’hectares la superficie de terres achetées ou louées en Afrique. Des exemples concrets permettent de mieux cerner l’ampleur du phénomène sur le continent.

En 2006, l’Egypte a signé un accord avec le Japon lui octroyant 1.600 hectares (pour un coût total d’investissement de 290 millions de dollars, environ 145 milliards de Fcfa) pour la production de denrées alimentaires.

En mai 2008, un homme d’affaires chinois a acquis des droits sur 10.000 hectares au Cameroun afin de produire du riz destiné au marché chinois. La même période de cette année, le Soudan a loué 690.000 hectares à la Corée du Sud pour lui permettre de cultiver du blé.

Toujours en 2008, la Tanzanie et le Nigeria ont cédé 300 hectares à l’entreprise chinoise « Congqing Seed Corp » pour la production de riz hybride. En Ouganda, le président Yoweri Museveni a fourni 4.046 hectares aux agriculteurs chinois pour la production de semences importées de la Chine. Idem pour le gouvernement zimbabwéen qui a octroyé 101.171 hectares à la Chine pour la production du maïs. Depuis août 2008, des centaines de milliers d’hectares de terres agricoles sont octroyées gratuitement par le gouvernement éthiopien à l’Arabie Saoudite. Cet Etat arabe entend investir plus de 566 millions de dollars (environ 283 milliards de fcfa) pour acheter ou louer des terres au Soudan. Les Emirats Arabes Unis ne sont pas du reste. En 2008, une de leurs entreprises à loué 200.000 hectares en Angola et ailleurs en Afrique pour la production de denrées alimentaires.

Aussi étonnant que cela puisse paraître, il n’y a pas que les pays étrangers qui viennent acheter ou louer des terres en Afrique. Les Etats africains achètent ou louent des terres entre eux. C’est ainsi qu’en décembre 2007, le Liberia a octroyé 17.000 hectares (pour 30 millions de dollars, environ 15 milliards de Fcfa) à la Libye pour la production du riz pour les marchés locaux et internationaux. Toujours pour la production du riz, le gouvernement malien a cédé 100.000 hectares à la Libye. De même, l’Ouganda a loué 840.127 hectares à l’Egypte pour lui permettre de produire du blé et du maïs et d’élever des bœufs.  Des exemples qui prouvent à plus d’un titre que le phénomène d’accaparement des terres est bel et bien présent sur le continent africain.

Pour les pays développés, l’accaparement des terres est une forme d’expansion et de consolidation de l’agrobusiness dans les pays du sud en général  et en Afrique en particulier. Toutefois, ce qui est grave et qui est à déplorer est que les contrats signés entre les multinationales qui viennent s’accaparer des terres et les gouvernements africains ne prennent pas en compte les populations qui exploitaient ces terres.

La situation de l’accaparement des terres au Togo

Selon les enquêtes, le phénomène n’est pas encore tout à fait une réalité au Togo. Toutefois, il y a des formes quelque peu voilées d’expropriation de certaines communautés de leurs terres qui se développent à travers le pays.

Selon les enquêtes, l’on assiste aujourd’hui à l’appropriation des terres par des particuliers au détriment des communautés villageoises dans des milieux où les terres agricoles sont relativement disponibles, compromettant ainsi à moyen et à long terme la sécurité alimentaire des populations.

Ainsi, des formes d’achat de terres en milieu urbain et rural ont été recensées et révèlent quelques exemples typiques du phénomène d’accaparement des terres par une certaine catégorie de personnes aisées au détriment des propriétaires terriens.

A Blitta-Gare par exemple, des enquêtes ont montré qu’un seul individu s’est accaparé d’un terrain de plus de 10 hectares. Le phénomène est pire à Adélé où plus de 1.618 hectares de terre sont détenus par une seule personne. La même chose s’est produite à Amlamé où plus de 97 hectares de terre ont été accaparés, à Avédjé (800 hectares), à Tsévié (plus de 52 hectares), à Alokoégbé (132 hectares) ou encore à Sada (100 hectares).

Conséquence de l’accaparement des terres

D’après les recherches effectuées par l’ONG Inades, les achats ou locations de terres agricoles qui constituent une forme dévoilée d’accaparement des terres, constituent une grave menace à la souveraineté alimentaire des pays touchés par ce phénomène. La Terre étant le principal support de l’agriculture familiale pratiquée par les personnes issues des ménages agricoles, l’accaparement de leur patrimoine par d’autres acteurs revient à les exproprier de ce qui constitue leur mode de vie et de survie. Cela entraîne davantage d’insécurité alimentaire pour les paysans privés de leurs terres ainsi que des risques de conflits fonciers et sociaux pour les pays.

Par ailleurs, les mêmes enquêtes ont montré  que les paysans, dépossédés de leurs terres, risquent de devenir des ouvriers agricoles pour les firmes qui s’installent  dans leurs localités.

D’après Sena Adessou, chargé de programme à l’ONG Inades, le phénomène d’accaparement  des terres engendre beaucoup de problèmes parmi lesquels « la dépendance des paysans vis-à-vis des multinationales ou des Etats qui achètent ou louent les terres ; la mort de l’agriculture paysanne ; la pratique de l’agriculture intensive basée sur l’utilisation des pesticides puisque les achats de terres, surtout agricoles, permettent de produire ce qu’on appelle les agrocarburants ou les OGM (Organismes génétiquement modifiés) ».

En somme, indique Monsieur Adessou, on risque, avec le phénomène d’accaparement des terres, d’assister à un retour à la monoculture qui, à son tour, va mettre en péril l’agriculture familiale.

Des approches de solution

A défaut de supprimer ou d’interdire le phénomène, les acteurs du monde agricole estiment qu’on peut faire en sorte que l’achat ou la location des terres bénéficient à tout le monde. D’après l’ONG Inades, un rapport de l’Institut International de l’Environnement et du Développement (IIED) soutenu par le Fonds des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO) indique que ces achats peuvent être bénéfiques aussi bien aux Etats ou aux firmes acquéreurs qu’aux paysans qui se servent  de ces terres pour leur agriculture de subsistance. Pour cela, il faut que les contrats signés clarifient les points troubles, notamment ceux concernant la redistribution des bénéfices, et associent les populations locales à ce qui pourrait s’assimiler à une nouvelle réforme agraire mondiale. Autrement, il faut que ces contrats permettent un réel développement rural, notamment l’amélioration de la productivité agricole et des revenus des paysans ; qu’ils apportent des garanties de débouchés et une diversification des sources de revenu en milieu rural. Ces investissements peuvent également indirectement induire des activités non agricoles et procurer des emplois dans des structures de commercialisation et de transformation. Les investissements peuvent être aussi une opportunité pour financer de nouvelles infrastructures comme des routes ou des ports qui sont des facteurs de développement économique d’un pays.

Par ailleurs, sur le pan international, des règles sont mises en place pour permettre de minimiser un tant soit peu les impacts négatifs de l’accaparement des terres.

En outre, l’institut Inades compte susciter des actions pour définir des actions de plaidoyer auprès de l’Etat togolais et de la Communauté internationale afin qu’une réflexion commune soit menée autour de cet enjeu.

 

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