FABRE-FAURE, SI LOIN, SI PROCHES
Le vrai challenge vient de commencer, la vraie bataille a démarré, le bras de fer est amorcé entre celui qui détient le pouvoir et qui veut le garder et celui qui ne l’a pas et veut l’arracher. Les premières couleurs de la campagne électorale sont illustratives du duel qui oppose Fabre à Faure pour l’élection présidentielle. Que va-t-il faire à la suite, s’il se maintenait, comment va-t-il la gérer s’il arrivait à prendre le pouvoir. Deux profils, si loin si proche, chacun campés dans une position de conquête et de maintien. Psychologie d’un scrutin de toutes les curiosités.
Faure Gnassingbé ne pourrait jamais s’imaginer qu’en prenant le pouvoir en 2005, il sera talonné quelques années plus tard, non pas par celui qui était considéré comme le chantre d’une opposition radicale qui a malmené pendant des décennies son géniteur Gnassingbé Eyadéma, Gilchrist Olympio, mais par un de ses fidèles lieutenants nommé Jean Pierre FABRE.
10 ans après la prise de pouvoir, Faure est au rendez-vous électoral avec pour principal challenger, Jean Pierre Fabre.
Les analyses politiques et électorales, les pronostics populaires, les commentaires et les articles de presse tablent que sur deux candidats malgré le fait qu’ils sont cinq dans la course.
Faure Gnassingbé et Jean Pierre Fabre sont deux adversaires politiques diamétralement opposés sur certaines façons d’appréhender, d’apprécier et de contrôler les situations, mais les plus grands analystes pensent que les deux hommes sont très proches à plusieurs égards.
Des portraits croisés qui éloignent deux adversaires politiques et qui les rapprochent.
En 1952, naissait Jean-Pierre Fabre, le 02 juin et le même mois en 1966 au 6 juin naissait Faure Gnassingbé. Une appartenance astrologique au mois de juin que les superstitieux et les astrologues peuvent interpréter pour présenter les attitudes comportementales de ces deux politiciens. Témérité, attachement, détermination face à deux schémas.
Le premier, Faure Gnassingbé qui a hérité le pouvoir de son feu père Gnassingbé Eyadéma et qu’il compte exercer contre vents et marrées dans une détermination incompréhensible et un dévouement camouflé. Second cas de figure, Jean Pierre Fabre qui aussi, épris de justice et d’ambition veut arracher, dans un attachement historique qui lui concède le profil du numéro un de l’opposition au Togo.
Les deux hommes n’ont pas vécu une enfance miséreuse. Issus de parents presque bien nantis, il s’agit plutôt d’un duel de fils de bourgeois qui ont presque une même façon de voir les choses en bien ou en mal.
Nature physique, calme et timide en apparence, pour les deux, mais foncièrement revanchards et sadiques, Faure et Fabre comptent dans leur parcours politiques des ennemis mortels qu’ils continuent à jurer de maintenir dans une situation de désolation sans remords.
Faure a jeté en prison son jeune frère Kpatcha Gnassingbé et un de ses plus fidèles collaborateurs Pascal Bodjona, malgré toutes les tensions sociopolitiques et toutes les conséquences, Fabre a réussi dans une témérité indescriptible à neutraliser son ancien mentor Gilchrist Olympio qui avait tenté de la mener en bateau.
Malgré les coups bas et les tentatives de déstabilisation menées par le patron de l’UFC contre lui, il reste la tête sur les épaules, à savourer l’échec de l’homme politique qui se réduit lui et son parti à une petite coquille vide.
Les deux hommes aiment le pouvoir, savent se donner les moyens pour rester à la tête, contrôler les situations et les avoir en main.
Similitude effarante, Faure et Fabre ont réussi la mutation en renaissant des cendres.
Le premier devrait être broyé dans une machine politique incarnée par son feu père, Gnassingbé Eyadéma, avec le parti RPT qui constituait une hydre menaçante, mais il a rapidement réussi à s’en débarrasser pour créer UNIR en devenant le vrai maître du jeu ; le second a réussi à s’affranchir du couvent politique dénommé UFC de Gilchrist Olympio pour s’imposer avec l’ANC malgré toutes les attaques infligées par les adversaires politiques.
C’est dire que chacun des deux challengers, dans son camp contrôle une situation de défi qu’il compte mutualiser pour couronner non seulement une audience populaire, mais plutôt une volonté de puissance.
C’est donc pour cette raison que l’un ne sous-estime pas les capacités de l’autre à le nuire ou à l’emporter et chacun y met de toute son énergie pour avoir la situation totalement en main tout en tirant les marrons du feu.
Ce qui éloigne les deux adversaires est la nature même de l’enjeu électoral.
Pour Faure, il s’agit de rester dans une continuité moderniste qui consiste pour lui de se maintenir au pouvoir afin d’accomplir des reformes qu’il a entamées.
Fabre est radicalement opposé à cette formule de développement du Togo par la continuité. L’homme et ses partisans restent dans une logique radicaliste d’alternance : Faire partir un régime politique qui a trop duré pour la remplacer par des dirigeants épris de changements et de renouveau. Si loin, les deux candidats.
Ce qui pose sérieusement la problématique de l’enjeu de cette élection.
L’élection présidentielle ne ressemble pas à celles vécues par le Togo où la victoire d’un candidat est connue d’avance.
C’est une élection qui intervient sous les projecteurs des observateurs politiques nationaux et étrangers qui ne veulent pas voir le Togo se soustraire des mutations obligatoires imposées par l’histoire.
La règle : la transparence, la reconnaissance d’un candidat malheureux de sa défaite qui le notifie à son adversaire dans le fair-play.
Ceci afin de garantir une stabilité sociopolitique au lendemain du scrutin.
Le Sénégal, le Mali, et récemment le Nigéria ont tiré leur épingle du jeu et ont respecté la tradition d’appel pour féliciter le gagnant de l’élection.
Reste à savoir si au lendemain du 25 avril, le jour du scrutin, l’un des deux challengers prendra de cours tous les pronostics de violence en surprenant l’opinion dans la félicitation de son adversaire.
Faure Gnassingbé et Jean Pierre Fabre, décrits ici comme si loin si proches ont la clé de l’implosion du Togo en main. A chacun de savoir la tourner pour réserver aux togolais un lendemain électoral assez serein ou autorisé que le pays bascule, dans le spectre hideux de guerre.
Alfredo Philoména