Zeid Ra’ad Al Hussein réclame des actes après la hausse récente d’attaques particulièrement vicieuses contre des personnes atteintes d’albinisme en Afrique de l’Est
GENEVE, Suisse, 10 mars 2015/African Press Organization (APO)/ — Le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme Zeid Ra’ad Al Hussein a fait part mardi de son sentiment de révolte face à la hausse récente du nombre d’attaques violentes contre des personnes atteintes d’albinisme dans plusieurs pays d’Afrique de l’Est. Au cours des six derniers mois, au moins 15 personnes atteintes d’albinisme ont été enlevées, blessées, tuées ou victimes d’une tentative d’enlèvement, avec trois incidents au cours de la seule semaine dernière.
« Ces attaques sont souvent extraordinairement vicieuses, les enfants étant plus particulièrement pris pour cible », a souligné le Haut-Commissaire. « Par conséquent, de nombreuses personnes atteintes d’albinisme vivent dans la terreur. Certaines n’osent plus s’aventurer à l’extérieur et les enfants atteints d’albinisme ont arrêté d’aller à l’école en raison de cette augmentation récente des agressions, des meurtres et des enlèvements.»
Rien qu’au Malawi, au moins six incidents ont été rapportés au cours des dix premières semaines de l’année, alors que quatre incidents avaient été enregistrés au cours des deux années précédentes. A Machinga, district situé dans le sud du pays et où ont eu lieu plusieurs enlèvements et meurtres, des groupes d’hommes rôderaient à la recherche de personnes atteintes d’albinisme.
Dans la nuit du 3 au 4 mars, une jeune fille de 14 ans a été enlevée par deux hommes dans le village de Kalombo, dans le district de Machinga, mais est parvenue à s’échapper. La nuit suivante, un petit garçon de deux ans du nom de Chakupatsa Stanely aurait aussi été kidnappé dans un autre village de Machinga nommé Murukhu. Après l’appel à l’aide lancé par la mère de l’enfant, l’un des ravisseurs a été capturé, mais les deux autres se sont échappés et pourraient avoir traversé la frontière mozambicaine. L’enfant a pu rejoindre sa famille.
Quatre autres attaques visant des personnes atteintes d’albinisme ont été documentées au Malawi depuis le début de l’année :
• Dans la nuit du 21 au 22 janvier, Ida Thomas, une petite fille de 9 ans atteinte d’albinisme et originaire du village de Chalela, dans le district de Chikhwawa, a été kidnappée alors qu’elle dormait chez sa tante. Elle n’a pas été retrouvée et est présumée morte, ses draps ayant été retrouvés à l’extérieur du domicile couverts de sang.
• Le 18 janvier, Malita Makolija, une femme de 68 ans atteinte d’albinisme a disparu de son village de Masali, dans le district de Zomba. Son corps démembré, bras, jambes et tête coupés, a été retrouvé le jour suivant près de sa maison, enterré à proximité d’une fourmilière.
• Le 16 janvier, une enfant de 2 ans, Ibrah Pillo, a été kidnappée dans sa maison située à Matindira, un autre village du district de Machinga. Personne ne l’a revue depuis.
• Le 5 janvier, Mina Jeffrey, âgée de 11 ans, a été kidnappée pendant la nuit par trois hommes, dont son oncle, dans le village de Saiti, aussi situé à Machinga, mais a réussi à s’échapper. Son oncle aurait déclaré qu’on lui avait promis une somme équivalente à 6 500 dollars pour son corps. Il a comparu devant le tribunal de Liwonde le 28 janvier, mais le cas a été ajourné.
La situation s’est également détériorée en Tanzanie. Samedi dernier, le 7 mars, un enfant de 6 ans, a été attaqué alors qu’il se trouvait à son domicile situé dans le village de Kiseta, dans le district de Sumbawanga. Ses agresseurs ont pris la fuite après avoir coupé sa main droite avec une machette. Baraka et sa mère, qui souffre de blessures graves à la tête, se trouvent tous deux à l’hôpital. La police a envoyé les deux autres enfants de la fratrie, qui sont aussi atteints d’albinisme, dans un endroit sûr et arrêté sept suspects, dont le père de l’enfant.
Depuis le mois de janvier, deux autres incidents ont été rapportés, dont une tentative de kidnapping d’un enfant de 4 ans et le meurtre horrible d’un bébé d’un an, Yohana Bahati, kidnappé à son domicile le 17 février et retrouvé assassiné, les bras et les jambes coupés, a déclaré le Haut-Commissaire.
Un total de huit attaques ont été rapportées en Tanzanie depuis août 2014. Au cours de celles-ci, deux personnes atteintes d’albinisme ont été tuées, une kidnappée et portée disparue, deux gravement blessées et amputées de parties de leurs corps par leurs agresseurs, une victime de viol collectif et deux victimes d’enlèvements avortés.
Le Haut-Commissaire a insisté sur l’importance de lutter contre l’impunité pour les crimes contre les personnes atteintes d’albinisme. « L’interdiction de la sorcellerie imposée par les autorités tanzaniennes en janvier dernier est un pas dans la bonne direction, tout comme la condamnation de quatre personnes pour le meurtre d’une femme atteinte d’albinisme en 2008 en Tanzanie », a-t-il déclaré. « Toutefois, je suis préoccupé par les condamnations à la peine de mort prononcées par la Cour et j’espère que la Tanzanie va maintenir son moratoire sur la peine de mort. »
Zeid Ra’ad Al Hussein a appelé les autorités à empêcher les attaques contre les personnes atteintes d’albinisme dans tous les pays où elles se produisent, à traduire les coupables présumés en justice et à s’assurer que les réparations et la réhabilitation des survivants et de leurs familles soient considérées comme une priorité.
Il a déclaré que des attaques contre les personnes atteintes d’albinisme avaient également lieu dans d’autres pays africains, dont le Burundi où 19 meurtres de personnes atteintes d’albinisme ont été rapportés depuis 2008. Le dernier incident est survenu le 12 décembre 2014, lorsqu’un homme a été retrouvé mort, la jambe coupée. Selon des rapports, 11 personnes ont été arrêtées en lien avec ces attaques contre des personnes atteintes d’albinisme au Burundi, dont six ont réussi à s’échapper et une a été condamnée. L’élaboration d’une politique nationale destinée à promouvoir et à protéger les droits des personnes atteintes d’albinisme au Burundi a été proposée mais n’a pas encore été initiée.
Partout dans le monde, les personnes atteintes d’albinisme continuent à souffrir de discrimination et d’exclusion sociale, a indiqué le Haut-Commissaire, qui a exhorté les gouvernements à agir davantage pour les aider à mener une vie normale et productive. Il a mis en exergue les résultats d’une enquête menée au Pakistan et qui montre les nombreuses dimensions des problèmes liés aux droits de l’homme rencontrés par les personnes atteintes d’albinisme, dont le rejet social, les problèmes médicaux et psychologiques, et le fait d’être réduits à la pauvreté.