« Réussites Diaspora » : s’affranchir de l’esclavage togolais

Le discours hautement philosophique prononcé par le Ministre des affaires, de la coopération et de l’intégration lors du lancement de la semaine « Réussites Diaspora » hier matin devrait exhorter les diaspora du monde entier à une profonde prise de conscience de leur situation qui n’est pas appelée à être une fatalité, mais plutôt un catalyseur.
Deux problématiques importantes, qui ont meublé l’histoire de la philosophie passée et présente se dégagent du discours : Le travail qui se trouve être l’aliénation et en même temps l’objet de l’aliénation, et la condition hégélienne de l’esclave face à son maître.
D’après le philosophe Dussey, « le travail est un instrument de libération. Il établit une médiation entre soi et soi-même. Dans la phénoménologie de l’esprit Hegel dans ce qu’il nomme « la dialectique du maitre et de l’esclave » souligne que c’est par le travail que l’homme se réalise en tant qu’homme et en tant que conscience libre. »
C’est vrai, à la suite selon la légende biblique, de la consommation du fruit défendu à Adam et Eve dans le jardin d’Eden, Dieu, piqué par une colère sans réserve, s’est livré à un jeu de malédictions tous azimuts : L’innocente terre qui produira les ronces et les épines, la pauvre femme qui enfantera dans la douleur et l’homme qui mangera à la sueur de son front.
C’est donc l’origine biblique du travail qui suggère l’idée d’assujettissement, de torture, de la servitude de l’homme. Le travail sera donc dans la mythologie grecque le signe de l’aliénation de l’homme perdu dans une nature indifférente ou hostile à laquelle il faut coûte-que-coûte s’adapter pour survivre.
Ce fut la réalité des siècles avant notre ère et c’est aussi la réalité. Une réalité qui se fera battre en brèche par le principe platonicien du dualisme qui oppose deux acteurs vivant dans deux mondes différents. Le monde des idées éternelles et le monde de la matière changeante.
D’un côté donc, pour être plus explicite, les hommes libres qui contemplent les idées, de l’autre les esclaves occupés à travailler douloureusement sur la matière.
Platon illustrera ce dualisme par le monde de la caverne ou de la matière et le monde de la contemplation. Le travail étant le facteur qui différencie les deux mondes.
Robert Dussey, en évoquant le travail à l’endroit des togolais de la diaspora leur donne le feu, qu’il évoque dans son discours ; le feu du mythe de Prométhée qui se trouve être dans toutes les mythologies, l’intelligence.
Quitte à cette diaspora d’user de cette intelligence pour réaliser la dialectique que sera plus tard la quintessence de la doctrine hégélienne.
L’illustration est assez simple pour faire exprimer Hegel. Selon l’interprétation d’ Hegel dans La Phénoménologie de l’Esprit évoqué par le professeur Dussey, (la dialectique du Maître et de l’Esclave), l’esclave est l’être qui, transformant la Nature, accède à l’objet dans son côté actif. Le maître, qui pour sa part ne travaille pas mais fait réaliser vit immédiatement dans la jouissance de l’objet consommable : il ne connaît que son aspect passif. Il apparaît que l’esclave, travaillant (réalisant) à transformer le monde humain, se transforme lui-même et revendique son autonomie au monde naturel dans sa transformation humaine du monde, tandis que le maître se rend étranger à son monde, qu’il ne reconnaît plus dans la reconnaissance qu’en fait l’esclave. En effet, celui-ci, s’appuyant sur le produit de son travail, peut renverser le rapport de domination pour se retrouver dans l’accomplissement du monde humain : l’égalité.
Le conflit est inhérent à la condition humaine. Hegel dit d’ailleurs de la naissance de l’enfant qu’elle est « la mort des parents ».
Deux hommes entretiennent donc des relations tendues, exemple, le régime togolais et les togolais de la diaspora. Il y a donc conflit et l’un d’eux, le pouvoir en place donc, va accepter de prendre des risques et va devenir le maître : Cependant, une fois maître, l’individu, le pouvoir togolais devient passif/inactif. C’est son esclave, le peuple dont est issu la diaspora qui travaille, qui s’accomplit. Ainsi le maître devient dépendant du travail de son esclave, il devient l’esclave de son esclave, car c’est en travaillant qu’on atteint la liberté. C’est donc ce qui se passe au Togo. Une majorité travaille, transforme la matière et devient esclave d’une minorité au pouvoir qui jouit de ce travail dans la contemplation et même dans l’arrogance.
Mais à force de rester dans sa condition de travail, il finira par devenir selon les termes de René Descartes, Maître et possesseur de la nature, contrairement au maître de la minorité qui gouverne. Le travail finira donc par transformer l’esclave qu’il est, en maître de son maître et la contemplation et la jouissance de son travail par le maître, rendra celui-ci esclave de son esclave.
C’est l’exhortation profonde faite par DUSSEY dans son discours à l’endroit de la diaspora qui a la capacité, au regard de la maîtrise de la matière d’arriver à bout de ce régime qui continue de la traiter en esclave.
Le discours de Robert Dussey, loin d’être naïf , relève assez doctement la spécificité du travail.
L’esclave dans la doctrine hégélienne qui s’impose à la situation togolaise s’en sort par une conversion dialectique exemplaire.
Le travail servile lui rend sa liberté. Il fut un homme lâche, il abdiqua sa liberté pour ne pas mourir, il redevient un homme libre en se posant comme une liberté ingénieuse contre la nature qu’il dompte au moment même où le maître, qui ne sait plus travailler a de plus en en plus besoin de l’esclave.
Le travail apparaît donc comme l’expression de la liberté reconquise. C’est typiquement le cas du Togo et de sa diaspora. Un bon sujet de réflexion composé par le ministre togolais des affaires étrangères. Comprenne qui a de l’intelligence.
Carlos KETOHOU